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Cicatrisations 2023

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MODULE 32 : Plaies et soins dans les pays tropicaux et milieux humides

MODULE
janvier 17th 2023 - 08:15 - 09:15 - SALLE 342B

Dans les régions à ressources limitées, les plaies, tant aiguës que chroniques, sont un véritable problème de santé publique dont l’importance est encore sous-évaluée.

Dans les pays tropicaux, nous imaginons aisément des étiologies liées aux nombreuses pathologies infectieuses tropicales se traduisent par des ulcérations cutanées comme la lèpre, l’ulcère phagédénique, l’ulcère de Buruli, la leishmaniose ou encore le Pian.

En parallèle de cela, il faut ajouter les sources traumatiques très fréquentes, brûlures, accidents de la route, du travail, violence.

De plus, la transition épidémiologique en cours dans de nombreux pays africains va se traduire aussi par une augmentation des plaies vasculaires liées à l’âge, des plaies diabétiques ou encore des escarres.

Faute de documentation rigoureuse, il est actuellement encore plus difficile qu’en Europe d’évaluer avec précision l’ampleur et les étiologies des plaies chroniques. Cette absence de visibilité entraîne un manque d’intérêt de la part des ministères de la santé et des organisations humanitaires médicales.

La faible densité médicale, l’éducation limitée en soins de plaies ainsi que l’absence de couverture sociale font que nombreuses sont les plaies qui vont se chroniciser et résulter en des coûts humains, psychosociaux et financiers (soins directs et perte de productivité) élevés.

Au fil des années, l’expérience accumulée par notre groupe et d’autres a clairement montré que, si les pansements modernes ne peuvent être une réalité quotidienne dans ces milieux, l’application de soins modernes adaptés au contexte sont eux très utiles.

L’enseignement, basé sur 6 principes de base, permet avec un matériel restreint choisi d’obtenir d’excellents résultats.

Pour bien soigner une plaie, il est important de :

    - Evaluer et corriger :
      - L’atteinte de base ayant provoqué la lésion. - L’état général du patient en prenant en comptes les troubles diagnostics pouvant interférer avec la cicatrisation tels que : douleur, dénutrition, insuffisance cardiaque, diabète, infection etc…
    - Garder la plaie dans un environnement humide :

Afin de permettre au processus biologique qu’est la cicatrisation de se dérouler de façon optimale.

 

    - Protéger la plaie, mais aussi la peau périlésionnelle, de toute novelle atteinte traumatique :

Est entendu par-là, les chocs mécaniques directs, aussi refroidissement au changement de pansement et cytotoxicité liée à un excès de désinfection. La gestion de l’exsudat et l’hydratation de la peau péri-lésionnelle seront également importantes

 

    - Promouvoir un lit de plaie propre :

Afin de limiter le risque infectieux mais aussi en réduisant les facteurs inflammatoires.

 

    - Contrôler le lymphœdème péri lésionnel :

De très nombreuses plaies provoquent un lymphœdème qui à la fois ralenti la vascularisation mais aussi concentre des facteurs inflammatoires, des enzymes protéolytiques pouvant avoir un effet négatif sur la cicatrisation. Autant la compression est devenue une évidence dans les ulcères veineux, autant n’est-elle, à tort, que rarement considérée dans d’autres plaies.

 

    - Prévenir ou corriger toute incapacité :

Les plaies de taille importantes ou mal placées peuvent entrainer des rétractions bloquant les articulations. Ce phénomène, bien connu dans les brûlures et la prévention qui en découle, sont généralement ignorés dans d’autres lésions et résultent en des incapacités souvent majeures.

 

Ces principes bien intégrés et l’accès à un matériel de base simple (compresses, corps gras, film plastique, bandes,…) tel que répertoriés dans le kit WAWLC (World Alliance for Wound and Lymphedema Care, www.wawlc.org) permettent de traiter la majorité des cas soumis de manière satisfaisante.

De façon réjouissante, de grand organisme tels Médecins sans Frontières (MSF), le Comité International de la Croix Rouge (CICR) adoptent maintenant ces principes à leurs soins.

Un autre aspect auquel nous devons nous intéresser est celui du réseau de soins et de ses différents protagonistes.

Jusqu’ici, l’essentiel de l’effort a porté sur le système de soin « classique ». Cependant, sa faible densité, ses couts directs et indirects ainsi que les habitudes établies font que de nombreux patients s’adressent en premier aux guérisseurs traditionnels ou tradipraticiens. De plus, les croyances socio-culturelles liées aux étiologies des plaies en Afrique augmentent le recours à la tradithérapie.

Détenteurs de savoir ancestraux, leurs techniques ne sont parfois pas dénuées d’intérêt et l’efficacité de l’utilisation des plantes dans le traitement des soins de plaies a déjà pu être établie scientifiquement.

Par contre, le patient souffre potentiellement d’un manque de continuité lorsque les 2 systèmes deviennent indispensables, allongeant la durée de prise en charge et augmentant la survenue d’incapacités fonctionnelles souvent irréversibles.

Il est dès lors intéressant de réfléchir sur différentes pistes d’amélioration :

- système favorisant le transfert du patient entre les principaux acteurs, - mieux incorporer l’apport thérapeutique et mystique du tradipraticien dans les soins modernes, - mieux connaitre les plantes traditionnelles utilisées dans les soins de plaies et leur efficacité, - transposer la base de soins modernes avec les méthodes traditionnelles.

En renforçant les 2 types de médecine, il semble alors possible de promouvoir une meilleure cicatrisation avec une économie en soins, en matériel ainsi qu’une diminution de l’impact social de la plaie.

Orateur(s) : Hubert Vuagnat (Genève, Switzerland)